L’obligation de minimiser ses dommages en contexte de congédiement déguisé
10 juillet 2025
Droit du travail
L’obligation de l’employé de minimiser ses dommages, s’il fait l’objet d’une rétrogradation équivalant à un congédiement déguisé, peut impliquer, selon le contexte, l’obligation d’accepter le nouveau poste offert par l’employeur.
C’est ce que la Cour supérieure a décidé en février 2024 dans l’affaire Poulin c. Hydro-Québec, 2024 QCCS 280.
RÉSUMÉ DES FAITS
M. Poulin, vice-président, planification, stratégies et maintenance chez Hydro-Québec, est rétrogradé en juin 2020 au poste de directeur principal, production et maintenance avec le maintien de son salaire et de ses avantages sociaux dans le contexte d’une restructuration des responsabilités de direction, à l’arrivée de la nouvelle présidente Sophie Brochu.
En effet, celle-ci désirait être la seule à porter le titre de présidente. Tous les présidents de groupes d’Hydro-Québec devenaient donc des vice-présidents exécutifs et tous les vice-présidents devenaient des directeurs principaux.
Considérant qu’il fait l’objet d’un congédiement déguisé, M. Poulin refuse le poste de directeur principal, quitte son emploi après 35 ans de service, à l’âge de 59 ans, et réclame une indemnité de délai-congé équivalant à deux ans de salaire.
ANALYSE
Le congédiement déguisé
Dans un premier temps, la Cour considère que l’employé a fait l’objet d’un congédiement déguisé du fait que son employeur lui a retiré son titre de vice-président, planification, stratégies et maintenance, ainsi que les tâches inhérentes à son poste pour le rétrograder à un poste de directeur principal, production et maintenance, et ce, même si son salaire et ses avantages sociaux étaient maintenus.
En effet, la Cour est d’avis que les conditions essentielles d’un emploi ne se limitent pas aux aspects pécuniaires, mais aussi à la nature des tâches de l’employé.
L’obligation d’accepter le poste offert
Dans un second temps, la Cour est d’avis qu’en refusant le poste de directeur principal au même salaire et aux mêmes avantages sociaux, M. Poulin a fait défaut de respecter son obligation de minimiser ses dommages, suivant l’article 1479 du Code civil du Québec (C.c.Q.). Cela fait en sorte que sa réclamation de délai-congé doit être rejetée.
Le raisonnement qu’applique la Cour, en citant l’arrêt Evans de la Cour suprême du Canada, est basé sur l’analyse contextuelle consistant à se demander si une personne raisonnable aurait accepté le poste offert à M. Poulin suivant l’application des sept critères suivants :
- Le salaire offert a-t-il changé?
- Les conditions de travail sont-elles sensiblement différentes?
- Le travail est-il dégradant?
- Les relations personnelles sont-elles acrimonieuses?
- Quel est l’historique et la nature de l’emploi?
- L’employé a-t-il ou non intenté une action en justice?
- L’offre a-t-elle été faite à l’employé pendant qu’il travaillait encore pour l’employeur ou seulement après son départ?
En l’espèce, la Cour conclut qu’en répondant à chacune des sept questions, une personne raisonnable n’aurait pas refusé le poste de directeur principal offert à M. Poulin.
De plus, la Cour considère que M. Poulin aurait dû faire preuve de plus de souplesse dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et de l’état incertain de l’économie, ainsi que du fait que la modification de son poste s’inscrivait dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise. Ce changement ne le visait pas personnellement.
Conclusion
Cette décision rappelle le principe bien établi de l’obligation de l’employé de minimiser ses dommages, même dans une situation de congédiement déguisé. Dans le cas présent, l’obligation signifiait de ne pas refuser le poste offert par l’employeur, suivant l’analyse contextuelle de la situation.
À noter que cette décision a été portée en appel et sera entendue dans les prochains mois. Il faudra suivre avec intérêt les développements liés à cette affaire, en raison de son impact sur la manière dont un employeur peut envisager la réorganisation de son entreprise.
Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe de droit du travail.