Un employeur peut obtenir des enregistrements effectués à son insu


5 mai 2025

Droit du travail

Rédigés par

Me Anne-Sophie Ouellet 

M. Frédéric Marcoux, stagiaire en droit

Pour évaluer sa crédibilité dans le cadre d’un grief portant sur le congédiement d’une salariée, le Tribunal d'arbitrage ordonne à celle-ci de remettre une copie intégrale des enregistrements effectués au travail, à l’insu de l’employeur.

C’est ce que le tribunal d’arbitrage a conclu dans l’affaire Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides et Syndicat des travailleuses et travailleurs des Laurentides en santé et services sociaux - CSN, le syndicat (Karine Brosseau), 2024 QCTA 602.

Le syndicat a contesté la décision de l’employeur de congédier la plaignante, une préposée aux bénéficiaires (PAB), durant sa période d’essai. À l’audience, la principale intéressée a déclaré avoir effectué 14 enregistrements avec son cellulaire, à l’insu de l’employeur, pour prouver ce qui se passait au travail.

L’employée démarrait l’enregistrement dans l’ascenseur et l’arrêtait durant ses pauses.  Les enregistrements ont été effectués à l’insu du personnel, des résidents et des supérieures. La preuve présentait des conversations avec ces individus. La PAB a soumis ces éléments de preuve à la commissaire aux plaintes chez l’employeur, lors d’une dénonciation d’actes qu’elle estimait être de la maltraitance.

Dans sa lettre de fin d’emploi, l’employeur a fait mention d’une rencontre avec la PAB, pour appuyer sa décision de mettre fin au lien d’emploi. L’employée a témoigné à cet effet. Elle a signalé, à cette occasion, qu’elle avait enregistré cette conversation avec sa cheffe d’unité.

« Valider son fondement »

Sur la base de cette information, l’employeur a demandé que la plaignante produise les enregistrements. L’employeur souhaitait apprécier sa crédibilité et ajouter un motif justifiant la rupture du lien d’emploi.

L’arbitre conclut que l’employeur est en droit d’obtenir ces enregistrements :

«Le Tribunal partage les enseignements de la Cour suprême du Canada voulant que, sous réserve de leurs pertinences, les faits postérieurs à une décision d’un employeur de mettre fin à l’emploi d’un salarié sont recevables en preuve s’ils permettent d’en valider son fondement, et notamment s’il s’agit d’éléments qui ont un lien avec les gestes, propos ou conduites reprochés initialement dans le grief ou la plainte ».

L’arbitre ajoute :

«Le Tribunal endosse les propos de la Cour d’appel voulant que les faits antérieurs inconnus par l’Employeur au moment de la fin d’emploi sont pertinents et recevables en preuve pour évaluer la décision de l’Employeur, mais surtout pour vérifier la crédibilité de la Plaignante ».

Le Tribunal a donc fait droit à la demande de l’Employeur quant à la production des enregistrements clandestins dans un délai de 15 jours après que sa preuve soit déclarée close.

L’arbitre ordonne également au Syndicat de rembourser les honoraires et frais raisonnables engagés pour la présentation de la preuve, incluant la préparation de la preuve.

Conclusion

La présente affaire confirme qu’un employeur peut obtenir un enregistrement clandestin d’un employé, lorsque la preuve est pertinente, pour valider les fondements de sa décision et vérifier la crédibilité de l’employé qui a déjà témoigné au préalable.

Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe de droit du travail.


Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, [2004] 3 R.C.S. 195.

[1] 2024 QCTA 602, para. 21.

[1] Pro-quai inc. c. Tanguay, 2005 QCCA 1217

[1] 2024 QCTA 602, para. 22.

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