Quand “voiture” veut dire bien plus qu’on pense !


26 juin 2025

Litige et résolution de différends

Rédigés par

Me Samuel Fecteau

M. Frédéric Marcoux, stagiaire en droit

Une servitude de plus de 70 ans prévoyant un droit de passage à pied et en voiture, peut signifier « tout type de véhicule moteur nécessaire et utile à l’exploitation agricole », selon un jugement déclaratoire de la Cour supérieure.

Dans l’affaire Sirois c. Rochette, 2024 QCCS 960, la défenderesse empêchait le passage du tracteur des demandeurs en stationnant un camion-benne dans l’assiette de la servitude. Or, le chemin en question était grevé d’une servitude de passage.

Cette servitude, en vigueur depuis 1956, se lisait ainsi :

«De réserver au cédant un droit de passage à pieds (sic) et en voiture sur le chemin actuellement existant […]».

L’importance du contexte historique

Le tribunal a constaté une ambiguïté dans l’expression « à pied et en voiture ». Pour évaluer la portée de la servitude, la juge Nancy Bonsaint a dû déterminer l’intention des parties au moment de la constitution de la servitude en 1956.

Elle a d’abord examiné le contexte intrinsèque de la servitude, en analysant les termes et les autres clauses de l’acte notarié dans leur ensemble. Elle a ensuite analysé le contexte extrinsèque, c’est-à-dire les circonstances entourant la conclusion de l’acte et les usages de cette époque.

L’acte notarié avait été signé par un agriculteur, qui utilisait régulièrement le chemin visé par la servitude pour accéder à ses terres et les exploiter.

 Fernand Marois, l’auteur des demandeurs, a habité dans le secteur pendant 75 ans. Il a témoigné que son grand-père et son père empruntaient le chemin en tracteur pour « aller faire les foins » et y faire paître les vaches.

Son témoignage a convaincu le tribunal. En 1956, les signataires de l’acte savaient que le lot qui bénéficiait de la servitude était destiné à des activités agricoles[1].

«  En l’espèce, bien que l’Acte de 1956 réfère uniquement au mot « voiture », la preuve du contexte dans lequel était utilisé le lot qui bénéficiait de la servitude, à l’époque contemporaine à la signature de l’Acte de 1956, ne laisse finalement place à aucune ambiguïté, lorsque l’on interprète cet acte à la lumière de ce contexte[2]», a indiqué la juge Nancy Bonsaint.

« Le lot 3 [1] était voué à des activités agricoles et, conséquemment, des véhicules destinés à la réalisation de ces activités agricoles étaient permis sur le Chemin Rochette »[3], a-t-elle ajouté.

Le tribunal a donc autorisé les demandeurs à utiliser la servitude pour mener leurs activités agricoles, même si l’acte mentionne uniquement un droit de passage « à pied et en voiture ».

Conclusion

L’interprétation des servitudes ne peut se faire de manière rigide ou abstraite : elle doit tenir compte du contexte dans lequel elles ont été créées. Il faut éviter une lecture désincarnée des clauses contractuelles. Chaque situation comporte ses particularités. La volonté des parties ainsi que l’usage sont des éléments essentiels que les tribunaux considèrent dans leur analyse.

C’est d’ailleurs ce contexte qui a permis au tribunal, dans l’affaire Sirois c. Rochette, de saisir la portée réelle du mot « voiture ». Replacé dans le contexte agricole de 1956, le terme a raisonnablement été interprété comme incluant les tracteurs et la machinerie nécessaire à l’exploitation de la terre.

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[1] Sirois c. Rochette, 2024 QCCS 960, para. 130.

[2] Ibid, para. 133.

[3] Ibid

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