Charte de la langue française : un employeur sanctionné après avoir exigé la connaissance du coréen
1 mai 2025
Droit du travail
Une plainte pour pratique interdite en matière d’embauche a été retenue contre un employeur qui exigeait qu’un employé connaisse le coréen et l’anglais pour être engagé.
Dans l’affaire Kim c. Ultium Cam , le plaignant a postulé à une offre d’emploi publiée en coréen par l’employeur dans un journal électronique destiné à la communauté coréenne, en février 2023.
Le poste était dans le département de l’approvisionnement et de la logistique de l’entreprise. À l’exception d’un salarié, l’entreprise comptait cinq à sept employés provenant de la Corée du Sud qui ne comprenaient pas le français.
L’employeur recherchait un candidat capable de gérer des contrats et un groupe d’approvisionnement au Québec et à l’international. L’employé aurait été appelé à négocier avec des entreprises basées en Corée, en Allemagne et en Italie, notamment. L’employeur a rejeté la candidature du plaignant, estimant qu’il ne répondait pas aux exigences du poste, en raison du fait qu’il ne maîtrisait pas ces langues.
Présomption
En déposant sa plainte pour pratique interdite dans un délai de 45 jours, le plaignant a été en mesure de bénéficier de la présomption simple de l’article 45 de la Charte de la langue française (CLF). En respectant la prescription, la présomption s’est appliquée en raison du dépôt de sa candidature pour un poste qui exigeait la connaissance ou un niveau de qualification spécifique d’une autre langue que le français.
Cette présomption établie, il revenait à l’employeur de démontrer, conformément aux articles 46 et 46.1 CLF, que l’exigence linguistique était nécessaire pour le poste et que tous les moyens raisonnables avaient été pris pour éviter une telle exigence au préalable.
Lorsqu’un employeur omet de respecter ces critères, la présomption qui pèse contre lui devient absolue.
Pas assez restreint
La juge administrative du Tribunal administratif du travail (TAT) a reproché à l’employeur d’avoir omis de prouver qu’il a « restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l’accomplissement nécessite la connaissance de l’une ou l’autre de ces langues ».
Bien que l’employeur ait affirmé que celles-ci étaient justifiées par la nécessité de négocier à l’international et de communiquer avec des collègues sud-coréens ne parlant pas français, il n’a pas prouvé avoir évalué les besoins linguistiques pour ce poste, vérifié l’insuffisance des compétences linguistiques existantes parmi ses employés ou limité le nombre de postes nécessitant ces compétences. De plus, l’offre d’emploi n’indiquait pas les motifs justifiant ces exigences, contrevenant ainsi au deuxième alinéa de l’article 46 de la Charte.
Le TAT a ajouté qu’il devait rejeter l’argument de l’employeur qui soutenait que le refus d’embaucher le plaignant était étranger à l’aspect linguistique.
« Le Tribunal conclut que l’interprétation des articles pertinents de la CLF ne permet pas d’ajouter un moyen de défense, telle qu’une autre cause juste et suffisante, complètement étrangère à l’exigence de la connaissance d’une autre langue que la langue française pour s’exonérer de l’application de la présomption », a expliqué Jessica Laforest
Le TAT s’est donc réservé le pouvoir de déterminer les mesures de réparation appropriées.
Conclusion
La présente affaire démontre l’importance pour les employeurs qui exigent pour la maîtrise d’une langue autre que le français pour l’attribution d’un poste que ce besoin soit non seulement bien démontré, mais que tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d’imposer une telle exigence.
Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe de droit du travail.
[1] 2024 QCTAT 3295.