L’utilisation des lunettes intelligentes en milieu de travail : quels enjeux pour l’employeur ?
Des lunettes connectées à l’intelligence artificielle capables d’enregistrer et de filmer discrètement des moments du quotidien, allant même jusqu’à vous aider à retrouver l’endroit où vous avez garé votre voiture dans un stationnement de centre commercial.
Voilà ce que propose une compagnie populaire œuvrant dans l’industrie de la lunette en collaboration avec Meta.
L’apparition des lunettes intelligentes en milieu professionnel soulève des enjeux importants et préoccupants, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée et le climat de travail. Comment gérer cette avancée technologique dans le cadre du travail ?
Atteinte à la vie privée
L’un des principaux enjeux liés à l’utilisation des lunettes intelligentes est celui de la protection de la vie privée. En effet, une personne n’est pas censée filmer une autre sans son consentement. Cela s’applique en milieu professionnel, tant envers les collègues de travail que la clientèle. L’enregistrement à leur insu constitue une atteinte potentielle à leurs droits fondamentaux.
Un employeur devrait minimalement interdire l’usage des lunettes intelligentes dans les espaces où les personnes peuvent raisonnablement s’attendre à de l’intimité, pensons notamment aux salles de repos, aux toilettes ou aux vestiaires.
D’ailleurs, l’installation de caméras de surveillance par l’employeur est généralement interdite dans ces lieux sauf en cas de circonstances particulières.
Impact sur le climat de travail et les risques en matière de santé et sécurité
L’utilisation des lunettes intelligentes dans le cadre du travail peut constituer un risque réel pour le climat de travail. En effet, le simple fait de savoir que l’on peut être filmé subtilement et à tout moment par un collègue peut contribuer à la détérioration du climat de travail et des relations entre collègues, en instaurant un sentiment de méfiance et de peur d’être constamment surveillé.
Contrairement aux images captées par les caméras de surveillance installées par l’employeur, les enregistrements effectués à l’aide de lunettes intelligentes portées par un employé échappent au contrôle légitime et souhaitable par l’employeur. Le port de lunettes intelligentes en milieu de travail ouvre la porte à une multitude de comportements douteux et problématiques, dont certains sont déjà faciles à concevoir. À titre d’exemple, un employé pourrait filmer des collègues ou des clients à leur insu, puis utiliser ces vidéos à des fins personnelles. Il pourrait en résulter des usages inacceptables, tels que des actes d’intimidation, des conduites vexatoires, la diffusion non autorisée d’images ou encore des atteintes à la réputation.
Ces enjeux peuvent représenter un risque pour la santé et la sécurité physique et psychique des employés, que l’employeur se doit d’identifier et de prévenir en vertu de ses obligations.
Autres risques
Nous pouvons également nous interroger sur les risques que cela représente pour les activités commerciales de l’entreprise, notamment en ce qui concerne la protection des secrets commerciaux. Il est aussi prévisible que l’utilisation de lunettes intelligentes constitue un risque pour le respect des obligations en matière de protection des renseignements personnels, dans la mesure où un travailleur pourrait photographier ou enregistrer discrètement des données confidentielles détenues par l’employeur, pour en faire un usage personnel.
Les tribunaux québécois ne se sont pas encore prononcés concernant l’utilisation des lunettes intelligentes en milieu de travail. Toutefois, en s’appuyant sur les principes déjà appliqués dans des situations similaires, telles que de filmer des collègues à leur insu ou l’installation non autorisée d’une caméra de surveillance par un travailleur, il est raisonnable d’avancer que l’utilisation non autorisée de lunettes intelligentes pourrait justifier l’imposition de mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu’au congédiement.
Nécessairement, tout travailleur devrait obtenir l’autorisation préalable de son employeur avant de faire l’utilisation d’une paire de lunettes intelligentes au travail, au risque de se voir imposer des sanctions disciplinaires.
En définitive, tout porte à croire qu’en vertu de son droit de gestion, et compte tenu de ses obligations, l’employeur est en droit d’encadrer, voire d’interdire, l’utilisation des lunettes intelligentes dans son milieu de travail. En conclusion, l’employeur devra demeurer vigilant en cas d’utilisation de lunettes intelligentes dans son milieu de travail et considérer encadrer l’usage par l’adoption d’une politique interne.
Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe de droit du travail.