Projet de loi 89 : réforme du Code du travail en matière de grève et lock-out
Le 19 février 2025, le gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi no 89, qui introduit la Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.
Il s’agit d’un développement majeur en relations de travail, car il vise essentiellement à élargir la notion de services essentiels, qui module l’exercice du droit de grève ou de lock-out en période de négociation collective.
Services pour assurer le bien-être de la population
En introduisant la notion de « services à maintenir pour assurer le bien-être de la population », le PL89 prévoit que les impacts d’un conflit de travail sur la sécurité sociale, l’économie et l’environnement seront désormais pris en considération pour évaluer si des services à la population doivent être maintenus en dépit d’une grève ou d’un lock-out.
Dans les cas où le bien-être de la population risque d’être affecté de façon disproportionnée, le gouvernement pourra désigner par décret les employeurs qui seront visés. Le cas échéant, il reviendra au Tribunal administratif du travail de déterminer si des services doivent être maintenus et dans quelle mesure ils devront l’être, si les parties ne s’entendent pas à ce sujet. Le décret du gouvernement sera maintenu uniquement pour la durée des négociations en cours.
Pouvoirs spéciaux du ministre du Travail
Au surplus, le PL89 octroie des pouvoirs spéciaux au ministre du Travail pour mettre fin à un conflit de travail lorsqu’il estime qu’une grève ou un lock-out menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population et que l’intervention d’un conciliateur ou d’un médiateur s’est avérée infructueuse. Le ministre du Travail pourra alors déférer le différend à un arbitre afin que ce dernier détermine les conditions de travail des salariés. Les parties auront la possibilité de s’entendre sur le choix de l’arbitre et pourront continuer de négocier malgré l’intervention de l’arbitre de différend.
Il convient de rappeler qu’en 2015, la Cour suprême du Canada avait reconnu le caractère constitutionnel du droit de grève et avait conclu que ce droit ne pouvait être restreint que dans les situations où la santé et la sécurité de la population sont susceptibles d’être mises en péril[1]. À prime abord, la modulation du droit de grève en fonction des impacts sur la sécurité sociale, l’économie et l’environnement risque d’être questionnée.
Or, dans les dernières années, l’intensification des conséquences des conflits de travail à l’échelle du pays suscite à juste titre une réflexion sur l’état actuel du droit. Dans ce contexte, le gouvernement estime nécessaire d’actualiser les dispositions du Code du travail, afin d’atténuer en partie les impacts économiques et environnementaux de l’exercice du droit de grève et de lock-out.
Considérant l’état actuel du droit, il est à prévoir que ces modifications attendues au Code du travail seront contestées devant les tribunaux. Le projet de loi 89 fera assurément couler beaucoup d’encre dans les prochaines années et il sera important d’en suivre l’évolution.
Vous vous questionnez sur l’impact du projet de loi 89 sur vos activités? Les membres de notre équipe de droit du travail sont disponibles pour répondre à vos questions.
[1] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4.